Textes d'octobre
Hervé Nouvel
D'après la photo de chardons (Yveline)
René Char, Don du poète
Monstrueux galet gris
Sur lequel il est assis,
Il est là le félibre,
L'homme au ver libre,
Celui qui écrit
Pour ceux qui lisent
Entre les lignes grises
Sa pensée de sanskrit.
Dubitativement, durement
Sur l'image sans âge
D'un perron en ciment,
D'une fleur de cardon
Qu'une laine pardonne
Qu'un vent sage
N'agite plus sur le dos
D'un mouton !
Éternelle paresse
Élégante caresse
De la beauté sèche
D'une rime rêche.
Ils chantonnent l'épine
Ceux qui courbent l'échine
Sur les herbes folles,
L'été la chemise colle
Aux torses torses
Quand le soleil s'abat,
Attente d'un soir de sabbat.
Il est noir dans le noir
Lumineux et piquant,
Et fier et débordant
De sa Provence
Qu'on peut voir
Aussi, dans le village de Vence
Hervé Nouvel
Eliane
Oh le joli chardon
Rond comme un pompon
Doux oreiller pour le bourdon
Je murmure ton nom
Au milieu du pré brulé
Tu t’étales tel un trophée
Dardant tes piquants acérés
Pour mieux montrer ta fleur bleutée
Quand vient l’automne
Tu restes parmi la faune
Entre feuilles brunes et jaunes
En attendant la venue de l’hiver
Tu disparais sous la gelée
Pour ressortir le bout de ton nez
Quand sera venu le temps de l’été
Pour à nouveau nous émerveiller
Eliane
Simone
Poésie du bien-être retrouvé
Confinée, seule dans mon jardinet urbain,
J'apprends à écouter le Temps,
Qui prend le temps, et s'écoule inexorablement.
J'écoute, je regarde, je sens, j'observe, découvre ainsi la vie miniature de ce microcosme jusqu'alors à peine perçu, peu connu.
Ce nouveau jour est fête !!
Unique, inattendue, une fleur est apparue dans cet espace minuscule.
C'est une rose ! une vraie.
Majestueuse elle est là, souple sur sa tige,
D’un rose orangé délicat, rebelle avec des pétales multiples.
Irrésistible elle m'appelle à me pencher vers elle, pour la découvrir, la sentir, la respirer, la caresser, lui parler.
Elle offre à mon regard, le perpétuel miracle de la Nature, simple, immuable, présent.
Ô combien fragile !
Éphémère mais intemporelle
Elle est un clin d'œil à l'essentiel
Elle rappelle à mon regard, la Naissance, le Renouveau, la Vie,
Je la nommerai la Reine sauvage.
Simone
Textes de juillet
Auriane
« On ne ressort pas indemne de la forêt »
Essence
Je vois l’orée des bois, ligne vert sombre et irrégulière. Et tandis que je la franchis, une brise me frôle. Le soleil commence sa descente, illuminant la forêt de l’intérieur.
Silence doré sous la canopée. Les petits animaux vaquent à leurs occupations, invisibles et discrets, contrairement à moi, intruse géante dans ce monde parallèle.
J’avance, enjambe les racines des colosses de verdure, contourne leurs troncs tantôt serrés les uns aux autres tantôt éloignés. Les derniers rayons de soleil mordorés percent à travers les feuillages, révélant la poussière des fées dans leurs sillages.
Une branche me caresse la tête, accroche ma chevelure. J’ai des épines de pin et des feuilles de chêne dans les cheveux. Un petit rire passe mes lèvres.
Je m’enfonce de plus en plus au cœur de la forêt, oubliant les heures qui passent, le soleil qui disparaît derrière l’horizon et le chemin de retour.
Les yeux grands ouverts, émerveillée comme une enfant, j’observe tout. Les feuilles des feuillus et les épines des conifères, comme autant de mains et de doigts de nymphes. L’écorce des géants veinée comme la terre d’un delta. Les nœuds et les cernes des souches, offrant leur trésor à ceux qui acceptent d’entrer en paix sur leur domaine. Les racines et la mousse, le tapis de feuilles et les champignons, les petits écureuils et leurs glands.
J’entends le clapotis de l’eau et, sans m’en rendre compte, la tête encore levée vers le dôme de feuillages, je me retrouve pieds nus dans la rivière. Elle est froide mais douce, coulant sur ma peau comme la caresse du vent, épousant mes chevilles comme si j’étais un jeune arbre sorti du sol. Les ondines m’encerclent en une danse joyeuse.
Une étrange sève monte en moi, énergie pure et naturelle. Un hibou hulule doucement dans la lueur qui devient pâle et grise.
Je me réveille. Je sors de l’eau. Il est temps de partir.
Je me retrouve à l’orée du bois et la plaine s’étend devant moi. Je cligne des yeux et me retourne. Je ne me rappelle pas du chemin de retour.
Deux arbres immenses encadrent une trouée, telle la porte du royaume de la forêt. Leur royaume. Je souris tristement. Devais-je vraiment partir ?
La brise me caresse à nouveau et de mes cheveux tombe une feuille de chêne au creux de mes mains recouvertes de poussières dorées.
Eliane Demange
Trois tasses sur l’égouttoir
Voila qui ravive ma mém oire
Et vais chercher mon écritoire
Pour vous raconter leur histoire
Trois tasses pour le café ou le thé
C’était un bel après midi d’été
Nous avions beaucoup discuté
Et découvert énormément d’affinités
Trois tasses ,toi ,lui et moi
Pour rappeler le doux émoi
Qu’évoque le son de ta voix
Et dont l’absence laisse un grand froid
Trois tasses sur l’égouttoir
Me transpercent de désespoir
Et il m’est impossible de croire
Que c’était un définif au revoir.Agnès Peyre
3 tasses sur l’égouttoir
Un ramassi de choses insolites, posées en des endroits que même dans mes rêves je n’aurais pu inventer. C’était cela le foutoir de BEN. Il invitait mon imagination au travail de recherches, à la découverte de la Beauté du grand n’importe quoi ! Au détour d’un couloir encombré, un évier, un égouttoir, 3 tasses propres qui s’égouttaient d’on ne sait quel breuvage. Sagement à leur à coté, attendant l’invité, un marteau. Je mis les tasses dans l’évier, je soulevais le marteau en caoutchouc et je frappais avec de la tristesse au bout de mon bras. Dans une danse effrénée, les tasses bondissaient, tintaient en s’entrechoquant. Quand soudain ne résistant plus à ces coups assidus, elles volèrent en éclats multicolores et scintillants. C’est alors que commença la création. Je m’employais avec tous ces morceaux à recréer son visage renfrogné. Au coin de la pièce, attentive à tous les débordements d’affection Eva me souriait.
Adieu BEN, repose tendrement dans les bras d’Annie, ta muse adorée.
Simone
Poésie du bien-être retrouvé
Confinée, seule dans mon jardinet urbain,
J'apprends à écouter le Temps,
Qui prend le temps, et s'écoule inexorablement.
J'écoute, je regarde, je sens, j'observe, découvre ainsi la vie miniature de ce microcosme jusqu'alors à peine perçu, peu connu.
Ce nouveau jour est fête !!
Unique, inattendue, une fleur est apparue dans cet espace minuscule.
C'est une rose ! une vraie.
Majestueuse elle est là, souple sur sa tige,
D’un rose orangé délicat, rebelle avec des pétales multiples.
Irrésistible elle m'appelle à me pencher vers elle, pour la découvrir, la sentir, la respirer, la caresser, lui parler.
Elle offre à mon regard, le perpétuel miracle de la Nature, simple, immuable, présent.
Ô combien fragile !
Éphémère mais intemporelle
Elle est un clin d'œil à l'essentiel
Elle rappelle à mon regard, la Naissance, le Renouveau, la Vie,
Je la nommerai la Reine sauvage.
Simone
Textes de janvier
Hervé Nouvel
Compostelle
Marcher seul vers Compostelle c'est croiser beaucoup de monde, toutes sortes de tarés.
Le taré à performance, le sportif coluchien, qui avale les kilomètres comme les barres chocolatées.
Le taré spirituel pas marrant, qui mange le corps du Christ et n'adresse la parole divine à personne, regarde tout le monde du haut de la croix, bref un croisé à ne pas croiser.
Le taré pressé-à-coquille-avant-de-partir, le pas-encore-parti qui pense déjà diplôme, et chiant, qui exige serviette dans sa douche, pain grillé à point à son petit-déjeuner, un lit solitaire dans une chambre chauffée et qui reste en tête à tête avec lui-même.
Le taré gentil, papillonneur, qui prend son temps avant qu'on le lui prenne, un brin poète celui-là compose :
Le matin tu te lèves / Tu te réveilles à peine / Tu crains pas journée à la peine / Alors faut que tête tu relèves / Vas, vas, pélerines, camines, et arrives / Saint Jacques t'attend depuis si longtemps !
Le regard mobile et observateur, celui-là voyage pied sur Terre à son rythme, le corps fluide et souple oubliant la douleur. Car il sait qu'avant Fisterra est son Amérique, la basilique, sa crypte et son parvis, le buste du Saint qu'il faudra enlacer, l'encensoir géant qui l'emmènera voltiger sous la vaste voûte, le repos enfin qu'il aura gagné avec la Compostella.
Hervé Nouvel
Harangue
Camarade ! Ne vous retirez pas sur la berge, ne vous agenouillez pas, n'attendez pas que la mousse vous pousse entre les pattes ! Avancez en regardant loin devant vous en cette belle matinée, mâtinée de nouveaux grondements, d'autant de grognements de la foule que vous constituez, cette force est à vous camarades, suivez audacieusement le torrent de la vie, laquelle n'est pas un long fleuve tranquille, voilà l'importante nouvelle que je voulais partager avec vous.
Hauts les cœurs Camarades, foin de vaines discussions ! Que la grogne légitime du citoyen ici s'exprime.
C'est alors qu'un autre prit la parole : Camarade orateur, tu parles bien mais les mots n'ont jamais soignés nos maux, alors, ta gueule !
Hervé Nouvel
Esquisse
Il était petit, avec un petit, tout petit défaut de langues qui avait longtemps amusé ses camarades de classe, aujourd'hui il était professeur de dessin et n'arrivait toujours pas à prononcer correctement « esquisse ». Les petits futés entendaient : « Exquise M'sieur ? », « Estive » rectifiait le fils du berger, « Esquille » demandait sournois, le fils du volailler qui s'en était un jour planté une dans la glotte.
Mais lui, loin de ses perfidies enfantines, avec élégante maestria, esquivait.
Hervé Nouvel
Sylvette Cohen
Au bord du bord
Sur les bords du rivage, je l'attendais. Mes yeux au bord des larmes, mon cœur au bord de cet amour impossible, ma vie au bord de mon existence.
Pourquoi attendre ! Il était parti à bord de son navire, un marin avait crié « Homme à la mer à bâbord », mais le corps n'avait jamais été retrouvé.
Alors je l 'attendais, espérant que la mer ne vienne à son tour me border et m'amener au bout de tout, au bout de nous, au bout du bout.
Tout à coup un bateau surgit au bord des vagues, un homme à son bord criait, hurlait,, s'agitait, il se rapprochait. Mon Amour ressuscité des flots venait me chercher et nous partions tous les deux voguer au bord des cieux.
Sylvette Cohen
Daniel Longin
ÉLOGE DU LIT
Chanson douce, petit mot magique, le lit !
Que de bons souvenirs tu évoques, couche douillette où j’ai ouvert les yeux sur la vie. Ta douce chaleur conduisait mes rêves vers des pays colorés où je courais dans les herbes folles...réveil brutal aux douleurs de la vie… refuge glacé d’une fièvre brûlante … silence apaisée d’une sieste d’été… terre de jeu d’étreintes amoureuses dans des nuits trop courtes. Déjà s’annoncent les douleurs d’un corps vieillissant qui trouve du répits dans tes draps trop rugueux ?..
J’ai ouvert les yeux dans la douceur de tes bras… je les refermerai dans la nuit de la vie….
Daniel Longin
.Simone
Poésie du bien-être retrouvé
Confinée, seule dans mon jardinet urbain,
J'apprends à écouter le Temps,
Qui prend le temps, et s'écoule inexorablement.
J'écoute, je regarde, je sens, j'observe, découvre ainsi la vie miniature de ce microcosme jusqu'alors à peine perçu, peu connu.
Ce nouveau jour est fête !!
Unique, inattendue, une fleur est apparue dans cet espace minuscule.
C'est une rose ! une vraie.
Majestueuse elle est là, souple sur sa tige,
D’un rose orangé délicat, rebelle avec des pétales multiples.
Irrésistible elle m'appelle à me pencher vers elle, pour la découvrir, la sentir, la respirer, la caresser, lui parler.
Elle offre à mon regard, le perpétuel miracle de la Nature, simple, immuable, présent.
Ô combien fragile !
Éphémère mais intemporelle
Elle est un clin d'œil à l'essentiel
Elle rappelle à mon regard, la Naissance, le Renouveau, la Vie,
Je la nommerai la Reine sauvage.
Simone
Textes
Comme un poisson dans l’eau
Je ne suis pas certaine que ce petit poisson dans son petit bocal tout rond puisse nous dire : ‘je suis heureux comme un poisson dans l’eau’.
Bien sur il n’a pas connu et ne connaitra jamais la liberté que donnent les grandes rivières. Il y aurait vécu avec ses congénères, aurait découvert le plaisir de suivre une feuille qui flotte et brille dans le soleil. Il aurait joué avec ce bout de bois à la dérive et fait avec lui la course dans le courant de l’eau vive. Sur les berges il se serait reposé, goutant avec avidité les riches et diverses gourmandises que la vase lui offrait. La nature est si généreuse ! Il aurait aussi appris la prudence, ne pas se faire piéger par les leurres de ces pécheurs du dimanche.
Je lui raconte tout cela, il m’écoute derrière sa vitre. Cependant ces yeux de merlan frit traduisent son incompréhension. Déçue de son peu d’intérêt à mon histoire, je le regarde tourner en rond dans une mortelle tristesse
Agnès
L’arbre
Il était là, au milieu du jardin de la maison de ma jeunesse. Je m’en souviens comme si c’était hier.
Ce n’est qu’un souvenir puisque j’avais quitté les Pyrénées pour vivre à Paris où les arbres ne parlaient pas la même langue.
Celui de mon enfance était un… je ne sais pas, personne ne m’avait parlé de son espèce, je pense d’ailleurs que je croyais qu’il n’y en avait qu’une et qu’on l’appelait Arbre.
Quand j’étais joyeuse, je courais vers lui pour lui raconter en riant ma belle aventure, je m’asseyais contre lui et lui racontais toutes les histoires drôles ou romanesques que je connaissais. J’ai toujours cru qu’il s’embêtait tout seul dans le jardin.
Quand j’étais triste, j’allais pleurer contre lui, l’enlaçant comme un ami, cherchant sa chaleur naturelle que je puisais dans son cœur. Je le sentais vibrer contre moi, un peu comme s’il me berçait. Je sais maintenant que c’était le fruit de mon imagination, mais ce qui ne l’était pas, c’était l’amour que je lui portais, si fort qu’il remplaçait celui du frère ou de la sœur que je n’avais pas.
Quand notre famille quitta notre maison pour vivre en ville, j’allais lui dire au revoir, les yeux pleins de larmes et les sanglots dans la voix. Je lui ai raconté l’histoire connue de moi seule qui s’appelle « une fontaine dans la foret » pour lui expliquer qu’un jour ce ne serait pas impossible que je trouve un arbre dans la ville, un de ses enfants sans doute, et que nous serons amis.
Noelle Gristi
ÉLOGE DU LIT
Chanson douce, petit mot magique, le lit !
Que de bons souvenirs tu évoques, couche douillette où j’ai ouvert les yeux sur la vie. Ta douce chaleur conduisait mes rêves vers des pays colorés où je courais dans les herbes folles...réveil brutal aux douleurs de la vie… refuge glacé d’une fièvre brûlante … silence apaisée d’une sieste d’été… terre de jeu d’étreintes amoureuses dans des nuits trop courtes. Déjà s’annoncent les douleurs d’un corps vieillissant qui trouve du répits dans tes draps trop rugueux ?..
J’ai ouvert les yeux dans la douceur de tes bras… je les refermerai dans la nuit de la vie….
Daniel Longin
L’arbre du serpent d’étoiles de Giono
La route fut longue et pleine d’embuches pour arriver à vous mes amis ! Dès l’aube je dus m’activer. Au mitant de la nuit j’ai secoué mes racines, convaincu les plus coriaces de me suivre. En leur contant du Giono, je les ai intéressées. Sous le charme, lourdement, elles ont quitté leur lit et battant le sol, nous nous mimes en chemin. Mes branches les plus jeunes n’ont pas supporté le rythme que je leur imposais et ont chût dans le sous-bois. Ma tête, je la portais altière. Fièrement, je l’avais ceinte, en honneur au poète, d’une couronne embaumante des fleurs du tilleul mon cousin. Trop vieux il ne pouvait me suivre mais était bien présent par son cadeau. J’arrivais guilleret aux portes de la cité de Vence où son moulin nous accueillait. Je devais moi aussi attesté de la présence de l’homme. En ces temps là il était mon ami et nous vivions en harmonie.
Agnès
ERRANCE
Où puis-je partir
Paysage sans issue
Mon regard perdu
Je cherche ma liberté
Au détour des chemins
OUBLI
Mon nom, mon rire
Je ne m’en souviens plus
Le rêve est mon souvenir
ENFANCE
En catimini
L’enfance fuit sans bruit
Eclats de lune
Catherine Delacour
TORTUE
Traine et retraine
Original animal
Rebondi et ralenti
Toi tu portes ton toit
Unique et singulière
Espèce de nos jardins
L'atelier d'écriture
Un atelier d'écriture ouvert à tous
Tous les vendredis de 9h45 à 11h45, venez faire l'expérience de l'écriture au sein d'un groupe d'apprentis écrivains qui jouent avec les mots, les styles...
Médiathèque de Vence, une grande salle claire, une table carrée, huit, douze personnes, stylos, papiers, tablette. ECRITURE
Cheveux bruns, cheveux gris, jeunesse ou maturité, venus de Vence ou d'Angleterre, du Nord ou d'Italie, tous passionnés, les ECRIVAINS
Un thème proposé par les participants, des idées dans un panier, textes, histoires, souvenirs, jeux de mots, poèmes, chansons, dialogues, théâtre, nouvelles honorés en concours, quelquefois couronnées, des mots, des phrases. ECRITS
La voix leur donne vie, le souffle les porte, l'écoute les accompagne, le silence attentif les goûte, les savoure. Les yeux pétillent, les visages sourient ou pleurent, parfois un grand rire ou un fou-rire. LECTURE
Deux heures de liberté, de chaleur, de création. PARTAGE
A L'ATELIER D'ECRITURE DE LA MEDIATHEQUE DE VENCE
Les textes du mois
Après midi d’une mouette
Aujourd’hui c’est décidé je m’échappe. J’ai besoin de vivre le vent du large. J’en informe le mâle qui digère sur son rocher comme à l’accoutumée. Bien au chaud, la nichée piaille, repue de victuailles. Chaque jour ils gâchent ma digestion et cassent mes oreilles. C’est peu vous dire mon besoin d’évasion.- Vous irez voir le père si besoin, je prends mon après midi.
Et je m’envole libre comme l’air qui me porte. Le vent me pousse vers l’ouest et c’est tant mieux, j’irai voir le soleil qui se couche. Joyeusement j’entre dans le courant du vent et je fonce vers le ciel. La douceur d’un nuage s’agrippe à mon plumage. Soudain la brise enfle, tourne et me retourne, je pique du nez à la vitesse de l’éclair, sans contrôle. Suit un instant de panique qui m’ébouriffe. Par chance, ma chute dans cette mer noire et glacée est amortie par l’enveloppe cotonneuse que m’offrit le nuage. La mer dans cette baie des anges était si bleue quand je l’avais quitté. Trempée et exténuée je me réveille au bruit salvateur de la sirène des pompiers. Demain je ferai la Une de Nice Matin avec en titre : - Hélitreuillage de la mouette niçoise.
Agnès
Arbres je vous aime
Dans ce verger luxuriant, je suis le seul à produire de beaux fruits toute l’année quelque soit la saison. Ils sont bien ronds, bien jaunes et j’illumine tout le champ grâce à eux. Pour les fêtes de fin d’année, je ressemble à un sapin, les enfants me parent de guirlandes. Ils peignent mes fruits aux couleurs de l’arc en ciel et tel des boules de Noel, ils brillent de mille feux. Ma fierté est immense. On vient de loin pour m’admirer. Cependant je pleure souvent ma solitude car je suis jalousé et délaissé par les autres pensionnaires de ce verger. Les bigaradiers qui m’entourent, m’ignorent souvent, surtout en été quand ils n’ont plus que des feuilles. En automne et en hiver on fait la fête. Tout le monde parade. Les oranges draguent les citrons tout en surveillant leurs petites sœurs mandarines et clémentines. Les nèfles se gonflent d’orgueil avant que d’éclater. Les kakis brillent et se croient les rois du monde. La poire charnue sous sa robe de demoiselle, fond sous la dent de qui la cueille. La pomme se conjugue au pluriel tant elle excelle par ses variétés. La grenade qui rougit de plaisir tache les langues gourmandes. Le coing ronchonne dans son coin car il n’intéresse personne. Nos racines s’entremêlent pour mieux communiquer et décider ensemble de vous offrir toute cette beauté.
Parfois nos maitres font des essais. L’an passé j’ai trouvé au bout d’une de mes branches, un gros cédrat qui de son poids, menaçait de briser un de mes bras si élégant. Je remercie le Mistral qui eut raison de lui. Il le balança si fort qu’il finit par le décrocher et je le retrouvai éclaté, gisant à mes pieds. Parfois les mariages sont heureux. Je rêve au mien avec cette petite clémentine. Il faut que je demande à ma maitresse de nous marier. Bien sur vous serez invité à la fête et nous déguster sera pour vous un vrai bonheur.
Agnès
EPHEMERE en acrostiche
Envole-toi belle coccinelle
Puise en toi la force nécessaire et
Hâte-toi vers l’inconnu qui t’appelle
Exerce toi à des loopings nouveaux
Même si tu sais que ce plaisir éphémère
Enivrera ton corps jusqu’à l’épuisement
Ressuscite ton envie et
Ecris ton bonheur dans l’air du soir
Agnès
Des étoiles plein les yeux
C'était la première fois, il avait mis ses petites mains dans celles de ses parents pour grimper jusqu'à la chapelle.
En ce 24 juin, le jour s'étirait jusqu'à tard dans la soirée.
Il y avait eu la messe, l'apéritif : tapenade sur du pain grillé, les olives aux herbes, la fougasse à la fleur d'oranger. Il s'était régalé !
Et puis les musiciens s'étaient mis à jouer : une vielle, l'accordéon, des galoubets ; on lui avait donné un tambourin et il s'appliquait en rythme, pendant qu'une farandole endiablée tournait dans le grand pré.
Et puis la nuit est tombée, au milieu du foyer, de longues flammes jaunes commençaient à danser : il fallait sauter au-dessus du feu, ses parents l'avait soulevé très haut, comme s'il s'envolait, les étincelles du brasier s'allumaient aussi dans ses yeux. Il avait fait un voeu, mais il était resté secret au fond de son coeur.
Enfin, épuisé par cette course, on l'avait allongé bien au chaud enveloppé dans une couverture et avant de s'endormir, il avait regardé toutes les étoiles s'allumer là-haut, et il en avait plein les yeux.
Yveline Rainaut
C’était un accident
La tête en l’air je rêve. Dans mon champ de vision, à la vitesse de l’éclair, subissant l’attraction terrestre, une forme volumineuse et lourde chute mais ce ne peut être un oiseau. Je cours pour l’attraper avant qu’elle ne s’écrase comme une grosse fiente. Trop tard, elle git là au milieu du pré. Je m’approche, elle bouge. La chose n’est pas morte. Est-ce que c’est un homme ? Oui un peu mais pas tout à fait avec ses ailes dans le dos et son doigt lumineux pointé vers les étoiles. Ciel ! Mais il parle. Je me couche près de lui et l’écoute conter son aventure.
Voyez vous me dit il, nous étions en cuisine et je n’étais pas d’accord avec ma femme sur la recette des yeux de démon en sauce tomate. Elle criait en brandissant vers moi, son couteau sanguinolent. Je pris peur face à ma tigresse en furie et j’ai sauté. Elle avait eu le temps d’égratigner mon aile et je me retrouve ici dans votre monde, estropié et sans espoir de retour.
Une aile cela se répare lui dis je pour le calmer mais sans savoir comment faire. Ce n’est qu’un petit accident. Dès que vous serez guéri, vous pourrez la rejoindre et déguster ensemble ces yeux si délicieux.
Agnès
Acrostiche Printemps
Premiers bourgeons éclos,
Roses ou blancs, parure des pêchers et des amandiers,
Insolites sur les branches encore noires des arbres.
Neiges éphémères aux flocons disparus,
Tièdes journées chauffées de soleils pâles,
Effleurements d'ailes de papillons ivres après leur long sommeil.
Moments suspendus,
Promenades sur le déclin du jour,
Sentiers secrets des pensées vagabondes.
Yveline Rainaut
Les textes archivés de l'atelier
Printemps espéré
Las dans les cris et les larmes
Notre monde se perd.
Vent frais du matin
Le vide du ciel se rempli
Des rumeurs du pin.
La tombée du jour
Sur le jardin seulement
L’ombre et la brume.
Haïku au chanteur
Il chante, lui, il chante
Et moi je ris, moi je pleure
Je tremble à sa voix.
Aurore douloureuse
Sans la force de ton chant
Rire est une injure.
Elisabeth Blot
Rêve en fruits et légumes
Un jour, alors que je dormais, je suis réveillée par une sensation de froid sucré. Intriguée, j’essaye de me lever. Impossible, je suis emprisonnée dans un immense saladier.
Au secours ! Je me débats, mais voilà que je reçois un grand coup de cuillère sur la tête. Ma tête transformée en pastèque, taillée en billes bien lisses. Ah ! Si mes amies de l’atelier écriture me voyaient, elles se moqueraient bien de ma poire. Peut-être même penseraient-elles que je commence à sucrer les fraises…
Bon, en attendant comment vais-je sortir de cette marmelade. Je réussis à saisir deux bâtons de cannelles, miraculeusement entiers et parviens avec mes béquilles de fortune à me hisser hors du flot. Mais, plouf je glisse sur une peau de banane.
Si au moins, les quelques noix que j’ai croisées étaient restées dans leur coquille, j’aurais pu m’en servir pour rejoindre la rive, enfin le bord du saladier. Moi qui avais une pêche d’enfer, j’ai peur de tomber dans les pommes. Et personne pour me secourir à croire que je compte pour des prunes.
J’ai mal à la tête, mes neurones chahutent et comme des billes de cassis roulent d’un coté à l’autre de mes tempes. C’est comme si une tempête se levait dans le saladier. Peut-être suis-je sauvée, à force de rouler bouler je vais bien finir par être éjectée de cette prison maudite pourtant si parfumée. Et voilà que tout à coup une violente bourrasque m’envoie dans les airs…euh ! Je croyais !
Cette fois, c’est la fin des haricots, je nage au milieu de carottes et de navets. Je suis retombée dans une bassine, cette fois de soupe. J’ai envie de pleurer. Je reste bête comme chou dans ma piscine. Le plus triste, c’est que vous devez penser que je vous raconte des salades. Je vais mourir là, et manger les pissenlits par la racine. A moins que…J’attrape deux carottes et je m’appuie sur elles comme tout à l’heure sur les bâtons de cannelles. Un petit effort, je devrais arriver à me hisser hors de ce maudit faitout. Ca y est je viens d’atterrir sur le plan de travail, mouillée certes mais vivante !
Une bonne douche, un stylo, une feuille de papier et j’écris cette histoire en espérant la vendre et mettre ainsi du beurre dans mes épinards !
Laurence Vannier
Le bonheur en Normandie
Cet été là, j’avais décidé de louer en Normandie, une petite ferme isolée, transformée en gite, où toute la famille pourrait vivre à son rythme.
De grosses tartines, une motte de beurre et de la bonne confiture maison que j’avais emmenée de chez nous, se trouvait sur la table tous les matins.
Lila, ma fille se glissait sous celle-ci, chaque jour, pour me faire peur, et je jouais le jeu à son plus grand bonheur. La journée commençait ainsi avec de grands rires.
Par la fenêtre, on apercevait la mer et à l’horizon, la silhouette d’une ile se découpait. Dans la famille, nul ne connaissait encore son nom, cela lui donnait tout son mystère.
Dans la journée, nous irons tous au port pour la première fois et nous sauront. Dommage…
Noëlle Gristi
Cet été là, j’avais décidé de louer en Normandie, une petite ferme isolée, transformée en gite, où toute la famille pourrait vivre à son rythme.
De grosses tartines, une motte de beurre et de la bonne confiture maison que j’avais emmenée de chez nous, se trouvait sur la table tous les matins.
Lila, ma fille se glissait sous celle-ci, chaque jour, pour me faire peur, et je jouais le jeu à son plus grand bonheur. La journée commençait ainsi avec de grands rires.
Par la fenêtre, on apercevait la mer et à l’horizon, la silhouette d’une ile se découpait. Dans la famille, nul ne connaissait encore son nom, cela lui donnait tout son mystère.
Dans la journée, nous irons tous au port pour la première fois et nous sauront. Dommage…
Noëlle Gristi
La chasse aux œufs
La chasse aux œufs, avait commencé la veille au soir. C’est le coq qui avait instauré cette tradition. Un jour après le passage des palombes on avait trouvé des œufs qu’aucune poule n’avait identifiés comme siens. Il avait bien fallu les couver cependant. Chacune son tour s’était dévouée en donnant une journée de sa chaleur à ces inconnus. En caquetant cependant que ce serait la première et dernière fois. Aujourd’hui, en repensant à cet épisode burlesque, la basse cour était en effervescence, chacune et chacun y allait de son commentaire :
Moi je savais à qui était ces œufs anormalement ronds jubilait la Barbu. Ils ne venaient pas de très loin. C’est la Roussane qui les avait pondus après avoir forniqué avec ce volatile de passage qui faisait une halte pour se reposer de son long voyage. Mais pourquoi ne veut-elle pas le reconnaitre cette poularde qui frétille du croupion devant tout mâle qui passe à sa hauteur.
Soudain notre regard se pose sur la malheureuse en pleurs qui, secouée de sanglots convulsifs, essaye de nous conter sa mésaventure.
Je me promenais tristement dans le pré, réfléchissant à cette vie que je n’avais pas choisie et qui me déplaisait. Je m’arrêtais près de l’arbre pour refaire, à l’ombre de ses branches, l’inventaire de ma vie. A travers le rideau de mes larmes, se dessina la silhouette d’un male si différent de nos coqs que je me laissais approcher. La tête levée, le front bombé, le cou dressé, les plumes de son dos hérissées, il dansa pour moi avec frénésie et je succombais à son charme. Je pensais que portant ses bébés, je pourrais le suivre et voyager en sa compagnie. Il me trouva trop grosse pour supporter ce long voyage et m’abandonna.
Tout en l’écoutant, nous sentions que dans sa tête c’était la bousculade. Plus rien de cohérent ne surgissait de sa mémoire. Il est vrai, pour sa défense, que sa vie avait commencée singulièrement. La première vision qu’elle eut à la naissance en sortant de sa coquille, fut le groin de la truie. Enorme et malodorant il faisait peur. Cependant cette cochonne remplie son rôle de mère sans faire de différence avec ses porcelets, donnant à ce volatile un amour inconditionnel. A cause de cet amour, la Roussane grandit rejetée par ses congénères qui ne supportaient pas son odeur de porcherie. Elle ne savait pas qui elle était vraiment, à quel groupe elle appartenait jusqu’à ce que cet oiseau venu d’ailleurs lui fasse connaitre le plaisir. Depuis elle s’occupe avec amour de sa progéniture à nulle autre pareille. Cette année au passage des palombes, deux de ses poussins l’ont quitté à l’appel de leur père. Elle les envie de partir découvrir le monde et fières d’eux elle glousse de plaisir.
Agnès Peyre
CHEZ LA COIFFEUSE
Dring! Clac!
"Bonjour madame. (voix sirupeuse)
- Bonjour!
- Madame G.? Vous avez rendez-vous?
- Oui. A 14h. (il est 13h55)
- Puis-je prendre votre manteau ? Voilà. Vous pouvez aussi déposer votre sac à main ici. Qui vous coiffe?
- C'est la première fois que je viens.
- C'est pour quoi : shampoing, coupe, court, mise en plis, mèche, brushing? Une petite couleur peut-être pour cacher ces vilains cheveux blancs?
- Shampoing, coupe (pas trop court) brushing. Merci.
- Martine, vous vous occuperez de la dame quand vous en aurez fini avec Mme L. ...Vous pouvez patienter un instant, asseyez-vous. Un peu de lecture, un café?
- Non, merci."
Mme L. me parait coiffée, mais Martine ne cesse de donner un coup de queue de peigne par-ci, par-là. C'est que Mme L. n'a pas fini son histoire : le mariage de sa fille.
" Vous l'aviez si bien coiffée! Ah! Pour ça, elle vous a fait de la publicité! Vous avez vu sa robe? Quelle beauté! Elle l'a prise chez Pronuptia. Pas une retouche. Un mannequin, ma fille!"
Et Martine laque,époussette le cou, arrange une boucle, replace une mèche.
"Quel beau mariage! Oh! On n'a pas lésiné , vous savez. On ne se marie qu'une fois, n'est-ce pas? Enfin, en principe. Et le repas!! On avait pris un chef trois étoiles, enfin, presque trois. C'était dommage de manger, on nous présentait des oeuvres d'art! c'était arrangé, coloré, et c'était bon, mon Dieu que c'était bon!C'était pas de la cuisine de tous les jours, hein!"
Et Martine retire lentement la cape, la secoue doucement, balaie autour du fauteuil pour que Mme L. ne marche pas dans ses cheveux. Encore un petit coup de peigne sur le front, un petit coup de ciseaux au-dessus de l'oreille. Voilà! C'est fini! Mme L. se lève...
"La prochaine fois, je vous apporterai les photos. Merci, merci beaucoup. (un petit coup d'oeil à la glace) Elle va tenir cette teinture? C'est pas un peu trop foncé?
- Non, ça vous va très bien, cette coupe vous rajeunit."
Martine aide Mme L. à mettre son manteau...lui tend son sac...lui ouvre la porte...
" aurevoir Mme L., à bientôt. Mettez un filet pour dormir. N'oubliez pas les photos..."
Elle referme doucement la porte, se tourne vers Mme G. Il est 14h45.
"A nous, dit-elle, c'est pour quoi?"
Françoise Giuliani
La lecture c’est
L’évasion
La connaissance en langue des oiseaux
"la Co-Naissance"
La découverte d'un ailleurs, d'une autre forme de penser, de le dire, de l'écrire
Apportée par l'écoute c’est le partage, l'échange,
Le "d'accord pas d'accord", le "j'aime j'aime pas"!!!
C'est nourrissant!!
Ghislaine
La lecture
J'associe la lecture au livre, « version papier », plutôt qu'à l'écran d'un ordinateur.
Je suis attirée par la beauté de l'ouvrage, de sa couverture, des photographies ou des illustrations qu'il contient, avant même d'accéder au texte.
Je recherche dans la pile exposée en librairie l'un des auteurs que je connais et que j'apprécie particulièrement.
Il y a alors la promesse de ces heures de silence et d'inactivité où je baignerai dans une atmosphère loin d'ici, en compagnie de personnages qui deviendront pour un temps comme une nouvelle famille.
Je me laisserai bercer par le rythme des phrases, la cascade des mots.
Je me glisserai dans l'histoire, prête à éprouver les sentiments, les états d'âme, les peurs ou les joies de tel homme, femme ou enfant dont j'essaierai de comprendre la psychologie motrice de leurs faits et gestes.
Mais la lecture n'est pas uniquement ce plaisir d'évasion personnel et intime, quand on pense à la lecture liée à l'écriture et à ce que cela véhicule de savoirs, d'informations, de messages...indispensables à la communication, au-delà de l'oralité.
Ecrire, transmettre, garder la trace visuelle du langage que des peuples ont voulu inscrire sur des tablettes d'argile ou sur des roches et qu'on s'efforce aujourd'hui de déchiffrer, qu' on imprima ensuite sur du papier jusqu'à maintenant des livres « électroniques ».
Alors, quel bonheur et quelle richesse d'être un lecteur !
Yveline Rainaut
La plage
J'ai tourné la page de la plage et je m'apprêtais à vous lier d'écriture, parce que j'ai toujours envie, pour démarrer un écrit, de m'allier à ceux, à celles , qui en plus de combler l'espace d'une feuille blanche, pourraient avoir encore plus envie de nous livrer des mots, de nous faire profiter de leur état, et aussi face à des intentions de nous faire profiter de ce qu'il nous reste de littérature en esprit et poursuivre tous ces mots qui nous échappent... ceux surtout qu'on ne sait plus qu'en faire... et pourtant, qu'il est plaisant de les retrouver...pour les lier ensemble...et il est un lieu où de braves gens, pourtant ne se revendiquant pas d'une obédience scolastique, s'évertuent à nous faire profiter de leurs trouvailles littéraires, assemblent ensemble des idées qui, bout à bout, font des textes... Aussi, heureux sont-ils de nous en faire profiter !
Bernard Jean-Claude
Gourmandise
Les gourmands disent « Je n'ai plus faim », pauvres d'eux ! Ne savent-ils n'être que des rassasiés ! Quant à moi, rien que ce foutu dernier mot me file la gerbe et je cesse de fréquenter ces foutus pisse-froids ,pour que, s'il est un mot qui doit être magistralement recommandé, c'est celui de gourmandise qui nous sauve grâce à tout ce qu'il nous promet de bon, de nouveau, de plaisant, de revigorant, grâce à tous ceux et celles qui nous proposent du plus que plaisant à la bouche...ces bons vivants qui nous attendent pour déguster, bâfrer, se rassasier pleinement....Pauvres d'eux s'ils se contentent de ce foutu Mac Do qui n'est même pas français !
Ah ! La table bien fleurie qui sait si bien nous faire découvrir à travers ce bouquet et objet succulent, ce que toute bonne-maman gourmande a su mettre au menu. Que ce dernier mot est triste avec ces deux seules syllabes...alors que bombance tient toutes ses promesses et jamais en vain, car ce mot contient toutes les saveurs d'une table digne de ce nom ! Nom de Dieu ! Que ce fut bon ! Du décolleté de Monique jusqu'au dernier rot de Gaston... et en plus le Guewurtstraminer parfume encore ma bouche, et, après cette succulence, j'ai rédigé notre prochaine ripaille : cinq plats seulement mais signé du grand Gourmand.
Bernard Jean Claude
Un banc pour faire
Sur mon dos, quelqu’un, a écrit ces mots: « UN BANC POUR FAIRE».
Je suis seul, au milieu d’un bois entouré d’immenses champs d’herbes vertes. Dès les premiers rayons de soleil, elles se couvrent d’or et scintillent en exprimant à la lumière, le bonheur de n’avoir rien à faire.
Isolé dans cette forêt, je m’ennuie ! Seules, quelques vaches égarées, viennent de temps en temps me renifler, puis s’en vont peu intéressées. Je suis un banc, un simple banc en bois sur lequel quelqu’un a écrit : « UN BANC POUR FAIRE ». Quelle curieuse idée !
Faire quoi ? Plutôt ne rien faire. Décidemment, il n’y a rien à faire. Je ne comprends pas ces mots « UN BANC POUR FAIRE ».
- Tiens, voilà des promeneurs ! Je vais peut-être savoir quoi faire.
Ils passent devant moi sans même me regarder, puis repassent, s’arrêtent, ricanent et s’interrogent. Qu’est-ce que l’on pourrait bien faire sur ce banc ? S’asseoir, s’allonger, sauter, dormir, rêver, manger, danser ou ne rien faire…
Un des promeneurs, sort de sa poche une craie, une craie dorée et rajoute sur mon dos, « RIEN » !
Voilà, je suis donc, un banc pour ne rien faire.
Si je vivais à la ville, bien installé dans un jardin public, j’aurais du succès. Ne sont-ils, pas nombreux, les petits vieux, qui viennent s’asseoir sur un banc pour ne rien faire ?
Laurence Vannier
Le dernier cri de la balançoire
Douce chanson que cet arc de bois chante dans la prairie de mon enfance...Libre au souffle de l’été, la balancelle de bois va et vient dans le bruissement des arbres. Une ombre massive surgit à ma mémoire. Un vieillard, non un homme prés de sa fin , écrase l’assise de ce jouet d’enfant.
« Grand-père voyons, ce n est plus de votre âge »
Un sourire d’enfant illumine cette face rayée de mille rides qui refuse le temps. La planche de bois oscille sous le poids d’une enfance envolée. Sous l’effort, les cordes se tendent, les haubans de la balançoire rappellent a l ancien marin les drisses de la voilure d’une marine lointaine.
Craquement sinistre, rires perlés…
« Le dernier cri de la balançoire, tu te rappelles ? »
Daniel LONGIN
« il faudrait que la brume se déchire au faîte des arbres »
Phrase extraite du livre de Jean-Luc Coatalem « Mes pas vont ailleurs »
Il faudrait que la brume se déchire au faîte des arbres pour voir le sommet enneigé du mont Fuji. Un matin sans lumière, gris, où, par la fenêtre ouverte, je ne distingue rien, juste un reflet métallique sur le lac. Je suis venu de si loin pour le voir, ne serait-ce que quelques minutes, et mon attente est immense ! L’hôtel est bien situé, ma chambre est face au mont. J’ai réservé pour deux nuits, au cas où il se montrerait capricieux et resterait caché dans ses écharpes de brume. Le brouillard se dissipe légèrement et j’aperçois un village aux toits sombres et des champs cultivés dans la plaine, mais pas la moindre éclaircie pour ouvrir ce paysage ouaté en direction du sommet. Je partirai quand même sur le sentier, je marcherai solitaire, bien emmitouflé dans ma vieille parka, la compagne de mes ascensions et qui enveloppe mes épaules d’une chaleur douce et me fait oublier le temps, le nombre de pas à effectuer pour atteindre mon but. Je deviens un marcheur, seulement un marcheur …
Je suis parti sur le chemin dans l’humidité fraîche de ce matin d’automne. J’ai pris mon appareil photo pour immortaliser l’instant de ce sommet mythique éclairé de soleil. Si j’ai de la chance …
J’y crois et mon pas est rapide, cadencé, ma respiration régulière. Je tiendrai ma promesse, je suis venu pour ça ! Regarder le mont Fuji, m’imprégner de sa force, de sa sérénité, attraper son image dans la boîte magique et repartir.
Tout à coup, une légère brise se lève dissipant la masse blanche et compacte des nuages qui dans un mouvement de danse souple s’enroulent sur eux-mêmes pour laisser passer le bleu du ciel. J’ai tourné la tête et il est apparu, le mont Fuji, comme pour moi seul. Je suis heureux, infiniment !
Sylvie Bancet
LE SOUFFLEUR DE VERRE
Le soleil dans sa cage, éclaire son visage, Et son torse luisant , et ses muscles puissants. A la gueule béante, il offre sont corps suant. Puis de sa canne, il cueille le brûlant breuvage.
Et il souffle, il souffle à s'en crever les poumons. La larme de verre opalescent se fait bulle. Il redouble d'ardeur, joue des arpèges, module. Tout à son art, il étire, roule à façon,
Plie à son goût , la pâte de verre servile. Transparence où, or et cobalt tissent des fils. Il la galbe, la tort, la moule, la fait sienne.
Puis il la découpe, la sculpte, la cisèle, La polit, l'adoucit,la finit, la fait belle. Et d'un coup s'en sépare, l'oeuvre seule est reine.
FG (Atelier d'écriture de Vence)
Printemps des poètes « L'ardeur. Qu'est-ce qui brûle en toi ? »
(2° prix du concours de poésie de la ville de Vence)
L’ai-je vraiment ramassé cette enveloppe le mercredi 14 février ?
Elle était là, au creux des herbes folles sur le bord du chemin.
L’heure est à l’écologie, à la libre expression de la nature et on ne fauche plus les mauvaises graminées.
- Pas si mauvaises que cela ! pensais-je. Elles recèlent toutes sortes de belles espèces que l’on découvre en promenade.
Une variété nouvelle avait attiré mon regard. Elle captait mon attention, elle ne ressemblait à aucune de ses voisines. Au sommet d’une tige verte, une fleur bien étrange, de forme rectangulaire. Sur elle, en impression, s’étaient invitées mille fleurs différentes. Je me suis penchée, son parfum était champêtre et elle a soupiré quand je l’ai cueillie. Elle ressemblait à une belle enveloppe comme on en trouve chez les fleuristes, celles que l’ont choisi pour joindre au bouquet.
- Elle est spéciale celle-ci ! me suis-je dit.
Elle sentait « frais », elle émettait des soupirs, elle caressait ma main, elle portait un message. « Ne m’ouvrez pas trop vite, laissez moi vous intriguer, vous faire rêver, vous emmener en voyage. Déchiffrez mon timbre qui vous donnera des indices. »
J’ai suivi ce conseil et pour répondre à ses sollicitations olfactives et visuelles, je lui parlais :
- Pour éveiller mon sens gustatif, Madame l’Enveloppe, faut il que je vous croque ?
Je l’ai senti se rétracter au crissement qu’elle a produit. Étaient-ce des gouttes de rosée qui perlaient sur la corolle de ses fleurs ou le résultat d’une intense émotion?
- Je n’en ferai rien, rassurez vous, sauf si vous m’y invitez.
Elle s’est apaisée en se faisant plus lourde dans la paume de ma main. Je lui ai même proposé de la replanter !
A ces mots, elle a hoqueté, sauté avec désordre au risque de tomber. Mille gouttes se sont échappées d’elle, tel un flot de larmes. J’ai décidé de la garder. Je l’ai complimenté sur sa beauté, sur son parfum qui m’enivrait. Son oblitération était illisible, j’en fus déçue. Au contact de mes doigts elle se diluait. Une myriade d’étoiles scintillantes et de planètes minuscules aux couleurs chamarrées ont explosé. Tout ce petit monde galactique couronnait ma tête et m’accompagnait sur le chemin.
J’étais morte d’impatience de voir s’ouvrir cette enveloppe mais je sentais qu’elle et moi avions besoin de plus d’intimité pour qu’elle se décachète.
- Cachetée, décachetée mais que cache-t-elle ?
Je suis rentrée à la maison. Par bonheur il n’y avait encore personne. J’ai mis l’enveloppe à la place d’honneur, au milieu de la table, sur le napperon que j’avais brodé avec amour. Assise, face à elle, je me sentis fort intimidée. Devais-je attendre qu’elle s’ouvre toute seule, le faire moi-même, allait-elle se décider à me faire un signe ?
Je la regardais avec insistance. Elle glissa vers moi, s’ouvrit et me tendit une carte. Je pu lire au milieu des fleurs qui la composaient : Joyeuse Fête mon Amour !
Je me réveillais en sursaut, imaginant cet amoureux que je ne connaissais pas encore…
Agnès peyre
Pierre qui roule
On aurait dit une relique que des mains calleuses auraient patinée depuis des générations. Elle était là serviable pour caler la table bancale. Toujours prête à presser la pile de courrier du matin. La porte arrêtait de battre quand on la coinçait dans le chambranle de bois. Pour les enfants un triomphe a qui saurait la lancer le plus loin possible. Parfois dressée dans la lande silencieuse, mémoire d’une religion perdue. Roulante sous le pied fragile comme un grelot chantant. Petite pyramide fragile, un repére pour guider les pas du randonneur. Agressive et mordante, une pierre dans mon jardin….
Petit Poucet, un bonheur pour toi ce chapelet de cailloux gris pour guider ton retour a la maison.
Une pierre, çà n’a pas d’âge... Et l’âge de pierre alors ?
Daniel LONGIN
QUOI FAIRE
Qu'est ce que je peux faire
Je ne sais pas quoi faire
Peut-être écrire
Qu'est ce que je peux écrire
Je ne sais pas quoi écrire
Peut-être parler
Qu'est ce que je peux dire
Je ne sais pas quoi dire
Peut-être réfléchir
A quoi puis je réfléchir
Je ne sais pas à quoi réfléchir
Alors comme disait Coluche
Lorsqu’on n’a rien à faire, à écrire ou à dire
On ferme sa gueule.
Chantal Pascal
Le bal des « nuits st Georges ».
S’ennuyant fort dans son somptueux château du XVIIIème siècle, Madame se proposa d’offrir un bal. Elle lança les invitations.
Madame la vicomtesse de Vaurien-en-Veulay
Aura le plaisir de compter sur votre présence
Au bal des « Nuits St Georges »
Qui aura lieu au château d’Entre-deux-clairettes
Ce vingt trois Avril à vingt heures.
C’est avec délice que les heureux invités se préparèrent pour cette soirée singulière. Dès l’aube du jour « J » les femmes d’honneur ciraient le parquet en bois tandis que les demoiselles de services plaçaient des bougies neuves dans les chandeliers pour que la salle de bal brillât de mille feux.
Dans la galerie aux musiciens un orchestre de courcourdons s’apprêtait à répéter avec les violons d’Ingres.
A vingt heures précise, un carrosse de citrouille tiré par les chevaux de Troie s’arrêta devant la grande porte d’entrée du château magnifiquement éclairé par les lucioles.
Robin le marquis des Bois et le chat botté en descendirent.
Invité au bal, le Marquis de Champagne arriva en Vol au Vent avec son Petit Pois de Senteur.
Les Mescluns et les Mesclines arrivèrent sous bonne escorte dans leur panier à salade.
Sa Sainteté l’Evêque de St Emilion fit le déplacement en tapis volant entouré des Demoiselles de la Grotte.
Une coccinelle conduisait deux chiens de Fayence. Dans le coffre, ils avaient placé le panier de crabes
Et Neil Armstrong avec Madame de la Dune se firent le plaisir d’atterrir dans le parc du château en montgolfière.
La salle de bal, resplendissante sous la lumière des mille bougies, rehaussait les toilettes élégantes des dames.
En haut des marches, le majordome annonçait au fur et à mesure les noms des honorables invités.
La Marquise du Cirque de Navacelles était accompagnée de ses deux filles, Garance et Indigo de Cocagne.
Le Coq de Bruyère donnait le bras à son Dahlia des Indes
Cognassier du Japon, bien connu sous le nom de Cidonie, fit éclat dans sa crinoline de soie cramoisie.
Au cours de la soirée, le Seigneur de Bergerac, présenta ses petits moutons cadets à la Marquise de la Louvière. Tandis que Renard offrait courtoisement un lait de poule à son Corbeau.
Les invités ont pu remarquer que les Billets Doux étaient en tête à tête avec le Pain de Mie. On chuchota qu’ils partiraient bientôt en lune de miel.
Dans l’assistance, la soirée était épicée par quelques personnalités hors du commun telle que :
La belle Poivre de Cayenne escortée par Le Piment d’Espelette et aussi l’Homme irrésistible de Dior.
Madame Croque-Monsieur s’était faite accompagnée par Monsieur Croque Madame.
Dans cette compagnie magnifiquement parée de plumes de paon, l’élégante, la raffinée Paon Blanc d’Isola Belle se fit remarquer.
Dans de la porcelaine de Chine, les convives se délectèrent de pêches-melbas pendant que la cantatrice vocalisait avec les notes de service.
Menuets, mazurkas, bourrées, polkas, valses, danse des fadas, farandoles, rires et joie s’enchainèrent jusqu’à l’aube.
La soirée fut étourdissante et pour citer Madame de Sévigny, ce fut « la chose la plus inouïe, la chose la plus extraordinaire de la saison ».
Tania.
Ma voie
Ma voie, celle dont j'avais rêvé, celle que j'ai construite sans « écraser les autres » contrairement à ce qu'affirmait mon prof de math.
Non, sans arrogance, sans mépris pour les autres, juste un défit personnel, simplement accomplir par et pour moi-même.
J 'entends encore les mots de mon père : « Tu travailles pour toi ».
E t pour qui d'autre aurais-je travaillé si ce n'est pour construire mon avenir, un avenir que je voulais différent de celui de ma mère.
Devenir libre de décider, de choisir, libre et indépendante : ça passait par ma réussite scolaire.
Accéder à la profession d'enseignante et la « voie royale » s'ouvrait : l'argent, un petit coin de Provence à posséder avant le grand départ, loin de chez moi.
Les voies de chemin de fer ont rythmé pendant plus de dix ans mon existence, ce long tracé métallique d'un bout à l'autre de la France et ce ronron monotone et froid contre les rails.
Je vois les paysages défiler à travers les vitres et s 'étirer en lignes floues.
Je vois les quais des gares où les gens se quittent ou se retrouvent.
Je vois les visages des êtres chers que j'emporte dans mes voyages, vers cet ailleurs qu'ils ne connaîtront pas.
J'entends leur voix à travers le combiné téléphonique et la douce intonation qu'ils mettent dans leurs lettres que je lis et relis dans ma solitude.
Plus tard, j'ai appris qu'en parcourant ses propres textes, on entends sa propre voix.
Quand je révise les rôles de théâtre, je perçois à chaque tirade, la voix de celui ou celle qui incarne le personnage : je m'en amuse d'ailleurs !
Il arrive que mes pensées se perdent dans le passé : j'essaie d'écouter la voix de ceux que je ne vois plus et que j'ai peur d'oublier.
Alors je me concentre sur les images en mémoire et parfois, la musique ne revient pas, ne revient plus.
Y R . Juin 2018
La gomme
Elle n'est rien sans son crayon, sa mine et sa gomme.
La gomme de différentes couleurs et de différentes tailles.
La gomme blanche, la gomme rouge et bleue, la gomme au bout du crayon.
La gomme n'est plus à la mode, elle n'est plus utilisée.
Mais elle aime la gomme, son odeur, sa manière de tout effacer, tout gommer.
Le mauvais trait, le mauvais mot,
Elle aime les petits débris que fait la gomme sur le papier,
Quand elle réduit tout à néant.
Elle ne peut exister seule la gomme, il lui faut un crayon.
Un joli crayon et un papier où l'on peut gommer.
Le papier, le crayon, la gomme
Le crayon, la gomme, le papier
La gomme, le papier, le crayon.
Trois éléments indispensables à l'écriture.
L'un transformant l'autre en traces sur le papier.
Aussi, elle reprend une gomme, un crayon et une page vierge
Elle trace quelques mots qu'elle s'empresse de gommer.
Chantal Pascal
La fenêtre donne sur le jardin
Tous les murs sont aveugles sauf celui orienté sud dont la fenêtre donne sur le jardin.
A travers les vitres défilent les saisons : les fruitiers en fleurs au printemps, les chaumes jaunis en été, les flamboyances d'automne, les cristaux de givre accrochés aux herbes en hiver.
Dans l'encadrement, sur fond de ciel, se dessinent les silhouettes noires des corneilles, parfois un vol bruyant de pigeons ramiers.
Les battants s'ouvrent en mai sur les effluves de roses santifolia. En novembre, dans l'entrebâillement se faufile l'odeur de terre mouillée, de terreau, de champignon.
Dans l'immobilité de l'âge, les pensées s'envolent vers d'autres pays visités jadis en suivant la trace cotonneuse de vapeur à l'arrière d'un avion.
Aux aurores et au crépuscule, la fenêtre devient un tableau impressionniste, du rose à l'orangé, où se mêlent les œuvres de Monet, de Turner, quand les doigts sagement posés sur les genoux ne peignent plus.
Les volets se sont refermés depuis que plus personne ne regarde le jardin par la fenêtre.
Yveline Rainaut
La lettre à Mamie
Peut être vas-tu être surprise de ce petit mot maladroit mais il y a longtemps que je voulais te l’écrire ! Te rappelles-tu de ces promenades que nous faisions bras dessus bras dessous, au bord du Loing les étés 50, un souvenir bien vivace dans mon cœur d’enfant… Croisant un promeneur âgé mais élégant, tu avais quitté mon bras pour aller vers lui et je t’avais vue lier une conversation animée avec ce bel homme ! Le nom de Charles revenait souvent dans vos propos. Je restais exclu de cette rencontre mystérieuse mais ce jour là, j’ai découvert une petite jeune fille passionnée surgissant sous les rides d’une petite mamie inconnue ! Je veux te remercier aujourd’hui de l’image de cette joie retrouvée. Tu vas trouver bien solennel mes propos maladroits mais ce soir là, j’ai compris que ton cœur fatiguée savait renaitre au souvenir d’une joie ancienne… Vous avanciez sous mes yeux émus à petits pas maladroits, l’un soutenant l’autre sur ce chemin de halage ombragé… Je fermais les yeux un instant, ébloui par le soleil couchant. Je les rouvrais pour te retrouver agitant ta canne dans un adieu joyeux à ce visiteur surgi de ton lointain passé …Merci Mamie pour cette image de l’amoureuse d’un jour ! C’est ma petite Madeleine à moi, gros ourson impatient de la vie….
DANIEL LONGIN
Anarchie et rigueur
L'art une notion inutile
Mais indispensable à la vie
La création du vide
Par l'anarchie de l'imagination
Concrétiser ses idées les plus folles
Ses fantasmes au nom de la beauté
Une recherche esthétique
Pour donner du sens au quotidien
Des sentiments, une passion
L'anarchie de l'amour
exprimés avec liberté
L'art une belle pagaille
Dans laquelle chacun trouve sa place
Un regard personnel sur le monde fictif
L'art, une grande fabulation.
Chantal Pascal
« Nul besoin de clé pour entr'apercevoir l'intérieur »
Ecrire ce que vous inspire cette phrase.
- Besoin d'apercevoir la clé ? Entre à l'intérieur, je sais c'est nul !
-La clé est à l'intérieur, pour entrer, c'est nul, et m'apercevoir que j'en aurais eu besoin !
-Intérieur nul ! Entre si tu as besoin d'un aperçu, voici la clé.
Christian Migliore
La salle de l’atelier d’écriture
Cette gerbe de couleurs explosant sur le mur blanc
A-t-elle vraiment été imaginée par des enfants ?
Voulaient-ils faire un feu d’artifice avec ces papiers
D’où jailliraient toutes les couleurs de leurs idées ?
Ont-ils pensé aux couleurs des voyelles de Rimbaud ?
- « Moi je choisis le bleu du ciel car je préfère le O »
- « Moi je vais mettre du vert comme les sapins »
- « Et moi du rose comme les lapins »
- « Et moi du mauve, j’adore la guimauve »
- « Mais dans ta guimauve, il y a love !
- Alors je vais mettre plein de rouge »
- « Et moi de l’orange comme les courges »
Et voilà, c’est un vrai feu d’artifice que l’on voit ici
Et tous ces enfants sont ébahis
Devant cette belle œuvre si réussie !
Elle tient désormais compagnie
A notre atelier de chaque mercredi.
Ces enfants, je ne les connais pas vraiment,
Je les imagine riants et pleins d’allant.
Et quelle que soit leur couleur
Je leur dis « Merci », de tout mon cœur !
Geneviève COLORADO
Définition et Utilisation inattendues des objets suivants
Fourchette : instrument de musique à quatre cordes, difficile à accorder.
Sparadrap : mot inutile surtout s'il est posé sur une jambe de bois.
Montre : boite à rythme sur deux notes, tic, tac.
Calendrier : processus inventé pour voyager dans le temps, accessoirement vous dit à quel saint se fier.
Boussole : si tu sais d'où tu viens, si tu sais où tu es, si tu sais où tu vas, tu n'en as pas besoin.
Immeuble : sorte de fourmilière pour y ranger un tas de choses, foyer des fourmis, puces, punaises, poux, morpions et autres cafards, couramment appelé cage à lapins, accessoirement des humains habitent là.
Lunettes : objet déterminant pour femme coquine.
Médicament : potion magique pour voir la vie en rose, bleu, vert, gris , noir, c'est suivant...
Christian Magliore
Bavardage aux 4 chemins
Mais que font ces 4 cochonnes au milieu du chemin ?
Si elles ne bougent pas, je vais en faire du pâté.
Ma curiosité de sorcière m’invite d’abord à les écouter.
Ce matin grogne Mme Cochonne, j’avais si mal au jarret qu’il me fut impossible de mettre un sabot devant l’autre.
Tu aurais du prendre ton bain de boues comme je le fais chaque matin lui rétorque Mme Goret. Pour détendre la longe entre les côtelettes, y a qu’ça d’vrai.
Mme Saucisse frétille sur son vélo en entendant ses copines se plaindre de leur maux. Elle se fait régulièrement griller au soleil et n’a mal nulle part. Je vais plutôt tailler le bout de gras avec Mme Boudin qui a l’ai bien dans son assiette aujourd’hui, se dit elle.
Détrompez-vous chère Mme Saucisse, je suis à bout de nerfs. Sur le chemin du marché, je me suis encore faite insultée par le jeune pourceau du voisin.
Tient voilà du boudin ! chantait il à tue tête.
De nos jours, les nouvelles portées n’ont aucun respect pour nous, les vieilles cochonnes.
Mais dans quelle porcherie vivons-nous ?
Agnes peyre
Le paradis sur terre
Il est 5h du matin, la lumière du jour tarde à percer ma couche mais je sais qu’il est temps de me mettre en route. Je me rends chez ma copine Cokci. Sa maitresse Yveline a lancé les invitations.
- Partir si tôt, me direz-vous !
Je dois vous avouer, malgré mes mille pates, je suis lente et la route est longue.
Cokci m’a bien expliqué.
- Tu remontes le Malvan depuis le Polygone jusqu'au croisement avec le chemin du Baric de Vence.
- Mais comment puis je le reconnaitre, je ne sais pas lire.
- Tu ne peux pas le rater car à l’intersection, ma patronne a planté une acanthe. C’est la seule dans le coin. La rivière aime l’enlacer au passage et roucouler dans ses cailloux. Ce ruisseau si présent et si espiègle te guidera.
Soudain l’acanthe est là, majestueuse, m’offrant sa fleur naissante. L’ascension commence dans ce chemin aux mille senteurs et grouillant du peuple miniature. Me rejoignent les autres invités. Lili la libellule, Petit Gris l’escargot, Mimi la fourmi, Maya l’abeille et d’autres encore. Je me love dans les herbes folles, embrasse les boutons d’or, salue tous ceux qui passent se délecter dans ce printemps florissant. Je prends de la hauteur dans le bigaradier en fleurs. Il m’enivre et un peu étourdie, je perds mon orientation. Je tente de reconnaitre au loin la maison de mon amie.
- C’est la première au bout du chemin, tu ne peux pas la manquer m’avait elle précisé.
Je me cramponne à ma branche et réfléchie à une stratégie. Soudain une nuée rouge tachetée de noir me fonce dessus. A la tête de cette escadrille, Cokci. Je suis sauvée !
Arrivées chez Yveline, Cokci me fait visiter son domaine. Un jardin extraordinaire où je chaparde à loisir, la fraise gourmande. Elle m’enseigne tous les arbres et lianes qui deviendront kiwi, nèfle, figues, amandes, noisettes. Quel régal, je reviendrai.
Ah ! Si je pouvais voler…
Agnes peyre
Eclats de soleil
Ce matin, dans le moutonnement des cirrus les couleurs s'embrasent du rouge au violet jusqu'au jaune rosé au lever de l'astre, derrière la ligne sombre des bois. A travers le feuillage, le soleil éclabousse la pelouse. A la lisière des cumulus, le soleil déclinant festonne d'orangé le rempart violacé des nuages. Dans les trouées du ciel, les pinceaux de rayons allument des taches d'or sur la mer. Sur la peau frissonnante des lacs, des étoiles éphémères naissent et meurent au gré du vent. A contre-jour, l'argent des vagues se dresse puis s'étale dans les candeurs d'écume. Flaques de pluie, pilosités végétales, perles de rosée, cristaux de givre : miroirs de lumière. Ce soir au couchant, le soleil explose d'ardeurs rougeoyantes : incendie céleste et aquatique où la silhouette noire des pins se dessine en ombres chinoises. Tourne la Terre au visage maculé d'ombre et de lumière.
Yveline Rainaut.
Les lucioles
Une luciole...Lucy...lumière.
Les lucioles sont les enfants de la Lune.
Elles sont un petit éclat d'esprit de la Lune qui nous rend visite sur la Terre.
Secrète, magique, on ne sait pas quand on va la rencontrer, juste, on sait qu'elle est là.
C'est l'esprit de la Lune qui rencontre l'esprit de l'Homme.
Une rencontre céleste. Oui, un privilège !
Tania
Les lucioles
Comme un millier d'étoiles tombées du ciel, elles illuminent le jardin.
En plus, non seulement elles clignotent, mais elles se déplacent aussi !
Un coup tu me vois, un coup tu ne me vois plus ! Sacrées lucioles !
Petit garçon, avec mon voisin, à la tombée de la nuit, nous partions à la chasse aux lucioles.
Nous les placions, après capture, dans un bocal et nous avions alors une lanterne magique à la lumière changeante.
Quel bon souvenir, n'est-ce-pas ?
Mais la luciole est farceuse.
Séjournant en Alsace, un soir de juin, je me suis retrouvé au milieu d'un ballet lumineux de ces lucioles de là-bas.
Oh ! Stupeur ! Elles ne clignotaient pas, mais au moment d'en saisir une, pof ! Elle s’éteignait !
Comment les attraper ?
Christian
Les lettres de mon jardin
Ode à la pomme de terre
Chère Amandine, née à l’ile de Ré, tu te la coules douce. Pourtant, tu finiras dégoulinante d’huile, décapitée en bâtonnets au fond d’un cornet. Des petits doigts t’attraperont sans délicatesse et tu termineras ta vie au fond d’un tube tel un déchet. Tu pourrais aussi finir hachée chez Parmentier !
Oh ! Toi, belle de Fontenay, venue au monde dans le Loiret. Tu as été baptisée Belle, tu aurais pu être nommée Jeanne…mais tu n’as délivré personne. Ta mission se limite à taquiner les papilles des amateurs de salade vapeur. Sais-tu que tu n’es pas la seule à aimer les salades. Ta copine Charlotte en connait un rayon et venant de Bretagne, elle se permet de se lover quelques fois au milieu des palourdes ou des Saint jacques.
Et toi, la Pompadour, tu essayes de nous faire croire que tu es née à la cour. Psst, n’importe quoi tu es sortie du sable. D’ailleurs, tu aimes cette terre sableuse qui glisse entre les doigts. Tu snobes, la Ratte… … Pourtant, au Touquet, elle est plus connue que toi. Au champ de course, elle se vend à prix d’or. Et puis, la Ratte danse avec Rosa. Elles évoluent sur des airs de tango le jeudi au fond d’une clairière. Rosa, Jacques Brel l’a fait chanter !
Toi, Agata, compagne de la gueuse, la bière, la trappiste et des moules. Tu n’as rien de très raffiné, pourtant la chair lisse et jaune de Désirée t’envie. Elle est peu aimée et surtout peu connue, mais à la Tour d’Argent elle règne dans les assiettes. Sa couleur rouge illumine les mets des grands chefs. C’est l’indienne de la pomme de terre.
Mesdames, quel que soit votre nom, votre destin est le même. En purée, chips, frites, gratins, vapeurs, rissolées, noisettes, croquettes, écrasées, papillotées, soufflées vous serez transformées.
Laurence Vannier
La lecture c’est quoi pour toi ?
Une force pousse mes pieds vers la porte de cette librairie. Je suis pressée mais ne peux résister à l’appel de la découverte. Je l’aperçois au fond de la boutique pourtant assez sombre. Il semble seul au milieu de tous les autres et m’attire irrémédiablement.
Ce livre aimante mon œil par sa 1ère de couverture. Je commence à le grignoter par le dos. Oui la 4ème de couverture me fait saliver, je dévore à corps perdu toutes ses pages enchanteresses. Je me laisse prendre par mon livre. Seuls mes yeux fatigués m’empêchent d’aller jusqu’au bout de cet élixir. Alors dans le silence noir de mes paupières closes, un peu frustrée de ne pouvoir poursuivre, j’imagine et continue à écrire l’histoire.
Parfois Non, la 4ème ne reflète pas le bonheur attendu. Fais un effort me dis je, essaye de l’aimer, parfois ça marche. Si le plaisir vient, je me délecte et je voyage entrainée par l’histoire.
Je lis presque tout mais plus n’importe quoi.
Agnès
LA LECTURE , C'EST QUOI POUR TOI ?
La lecture, pour moi, c'est un roman. Restée petite fille dans ma tête, après les contes de l'enfance, les histoires romanesques de mon adolescence, je déguste à présent, les romans: romans de terroirs, romans historiques, romans dramatiques, romans rigolos...J'aime qu'on me raconte des histoires, je m'en berce, j'en rêve, je les ressasse, je m'y implque.
Le livre est l'ami des moments de détente, celui qui chasse l'ennui, occupe l'esprit quand celui-ci est à l'inquiétude.
La modernité m'a apporté un livre électronique. C'est bien pratique pour lire la nuit ou l'emporter en voyage. Mais il ne remplace pas le livre papier dont on tourne les pages et qui sent l'encre.
La lecture, c'est magique : petits signes noirs, bien alignés, bien espacés qui racontent des histoires, livrent une information, apportent la connaissance, distraient de la routine...
Savoir lire est une richesse.
FG
La lecture, c’est quoi pour toi ?
Jamais je n’irais regarder comment vivent mes collègues, mes voisins, ma famille même : ce serait une indiscrétion totale de les découvrir dans leur intimité, dans leurs états d’âme.
Et pourtant, comme j’aime le faire à travers les romans, les sagas qui nous font pénétrer dans l’univers des autres, qui nous font même partager chaque instant de leur vie. C’est comme une famille qui se crée autour de nous. J’ai le souvenir de certains de ces récits qui m’ont aidée à traverser des moments si difficiles. Ouvrir le livre, le soir dans son lit, et c’est toute la noirceur de la journée qui s’efface. Me voilà engloutie dans une autre histoire que je partage avec eux. Quand ils sont malheureux, je leur offre tout mon espoir ; quand ils sont heureux, je me réjouis de leur bonheur et je veux qu’il dure. Et les lignes défilent et je tourne les pages et le fil de leur vie se déroule, s’enroule, s’embrouille, s’effiloche, et me fait palpiter et je continue jusqu’à ce que mes yeux me piquent, que mon esprit s’embue voilant les mots, les lignes et la vie des personnages.
Là, il est temps de me séparer de ce trésor, d’éteindre la lumière.
C’est ainsi que le sommeil me manque mais que le bonheur me pénètre.
Geneviève COLORADO
Les participations aux coucours nationaux
Coco-Chéri
Il me faut donc débarrasser.
Jadis j'avais peur de la maison vide. Maman n'est plus, papa depuis longtemps parti.
Je suis à peine ému...
L'important de mon enfance, la découverte des objets. La pince à linge que j'avais ramassée dans le jardin, et qui me pinçait le doigt. Je l'imaginais crabe, comme celui de mon livre d'école. Un crabe de bois, que je gardais le plus longtemps possible. Je me centrais sur cette petite douleur initiale, dont la persistance finissait par provoquer son rejet. Je la retirais alors pour la poser au bord du vase vert, lorsque maman n'y avait pas mis de fleurs. Sinon, j'attendais le repas pour la fixer au bord de mon assiette, elle trempait alors dans la soupe. Mon père ne le supportait pas, et moi je ne supportais pas qu'il la retire. Cercle vicieux. Nous restions chacun sur notre incompréhension quand, un jour, j'ai eu l'idée de la peindre en vert. Je ne sais pas pourquoi, elle n'eut plus sa place à table, ni au bout de mon doigt, ni sur le vase de maman.
Etait-ce le vert, ou les chevaux auxquels je m'intéressais à présent, ce qui, dans notre campagne était plus facile à approcher que les crabes.
Je venais d'effectuer un tour de mon manège intérieur, de mes phobies passées...
Lorsque je saisis une vieille boite à biscuits, n'y tenant plus après tant d'années, son couvercle gonflé, explose littéralement ses souvenirs sur le parquet encaustiqué.
Je regarde tous ces clichés à mes pieds. J'ai toujours eu du mal avec les sentiments, si je les maîtrise mieux aujourd'hui, je m'en méfie encore. Ils m'ont tant joué de tours.
Je m’accroupissais alors et jouais en oscillant pendant des heures, jusqu'à ce que maman vienne me chercher.
Lentement, je me suis éloigné de cette façon de m’asseoir, elle évoque trop le passé, pour moi et les autres. Mais là, loin de leurs regards, je descends au sol jouer avec les images.
Elles sont éparses, un peu comme un jeu de cartes disparates. Il y en a aux bords crantés, avec et sans marges, en couleur ou noir et blanc. Toutes sont décolorées par les années.
Je regarde sans toucher, inclinant la tête pour tenter de voir celle-ci, reconnaître celle là, comme une cartomancienne évaluant le hasard, interprétant l'avenir. Mon avenir !
Qui aurait cru que j'en avais un ?
Maman y croyait dur comme fer, mais elle n'avait jamais pu en convaincre papa. C'est pour ça qu'un jour de printemps, il s'est envolé du cerisier fleuri, tout au fond du grand terrain, pour le beau pays des anges. Le paradis des papas heureux.
Notre domaine, est vite devenu jungle terrifiante, où je ne jouais plus.
Aujourd'hui je ne me balance plus comme un culbuto hagard. Alors je me lance, j'ose déranger l'ordre aléatoire.
Ce bébé dans le berceau, c'est moi. Les commentaires étaient élogieux alors.
Le garçonnet timide, minuscule à côté du percheron, c'est encore moi.
De même, le garçonnet souriant, un peu effronté, juché au sommet de l'animal docile et paternel, c'est toujours moi.
Moi, moi, toujours moi et maman, moi et papa, et puis moi et mes jouets, avec mon doudou, avec mon chat, mon chien. Et là, toujours cet air buté, revêche, agressif presque.
Je réalise bien aujourd'hui, ce que cela a représenté pour mes parents. Je m'attarde sur le visage de l'attardé, comme je l'avais entendu dire. Mais c'était faux, je ne comprenais que trop ma différence.
S'étonner de la réaction de papa n'est plus possible maintenant, le regard des autres, les questions gênantes, le frein des sorties impossibles...
Après la pince à linge, balayés chats et chiens, quand Coco-Chéri est arrivé.
C'était je crois dans ma cinquième ou sixième année. Complètement centré sur moi, je n'y avais jamais prêté attention. Il était pourtant là, chaque jour à la même heure, depuis ma naissance.
Il tirait le tombereau de ramassage des ordures ménagères. A présent je le guettais, le regardais de loin. Petit à petit je me rapprochais. Maman avait compris. Elle parlait plus souvent avec le patron-cocher, lui faisant perdre un temps, précieux pour moi.
Ma curiosité grandissait, mais je restais à distance. Sans le craindre, j'étais quand même impressionné, intimidé par l'énorme animal. J'hésitais à l'approcher, à le toucher, et puis un jour, indifférent aux autres, il m'a regardé, moi. J'ai perçu un appel amical. J'ai avancé, tendu la main, il a bougé, déposé son énorme museau sur mon épaule. Je l'ai effleuré à mon tour. C'était doux, tiède, léger comme papillon, et il a soufflé un air chaud sur ma main.
Depuis lors, j'attendais le passage quotidien de mon ami. Je marquais enfin mon intérêt pour un être vivant. Là où le chien et le chat qui vivaient sous mon toit avaient échoué, lui le visiteur muet, au pas lent et au geste délicat, m'avait fait un don, celui de la parole.
Au début ce n'était que pour questionner ma mère sur mon ami. Et puis je l'accueillais avec de grands rires qui faisaient pleurer ma mère de bonheur. Peu à peu, la joie s'installait dans la maison désertée par mon père. Dommage pour lui !
Un jour la tournée fût plus longue. Les discussions avec les voisins, ponctuées de serrements de mains, n'en finissaient pas. Il se passait quelque chose.
Je m'alarmais, maman déployait des trésors de tendresse et de patience. Je trépignais, baissais la tête, levais les yeux et le guettais.
Ce fût enfin notre tour. Nous l'ignorions. C'était son ultime ramassage. Le rude cocher, vendait sa ferme aux promoteurs. La charrette rejoindrait son contenu à la décharge, l'homme fatigué sa retraite et Coco-Chéri la boucherie.
Ma mère effondrée, tous mes progrès effacés, le maudit culbuto reprenait du service.
Que pouvait-on contre l'inéluctable ? Pouvait-on lutter contre la fatalité ?
Ma mère, défaite ; lui, secouait sa trogne, impuissant. Tout était dit. Déjà il reprenait les rênes et allait partir. Le cheval si obéissant, refusa de bouger.
L'homme se retourna, surpris, tira encore. Allait-il le frapper ?
Piteux, il baissait la tête. Après un temps, il lâcha la bride et sans que je puisse réagir, les grosses mains m'envolèrent sur le dos rassurant. Éperdu, j'agrippais le cou musculeux, farouche et décidé à me fondre en lui.
Penaud, l'homme dit à ma mère : C'est un brave cheval... docile, loyal, et droit... il mériterait qu'on lui rende ce qu'il a donné... Ma mère hocha la tête...
Alors, il me détacha de la puissante crinière et, il plaça les rênes dans mes mains.
Hervé Nouvel
Ne pas t’oublier
Je regarde attentivement la photo que m’a envoyée mon cousin Gérard. Il est photographe, c’est lui l’archiviste de notre famille. Il me fait souvent des surprises. Cette photo en est une, je ne l’ai jamais vue, elle doit être rare, peut-être unique. Elle date des années 1910 et concerne nos grands parents qui prennent la pose devant leur atelier de photographie.
Sur la gauche de la photo, je reconnais ma grand-mère Jeanne. Assise sur une chaise, elle se tient très droite. Habillée de noir, les cheveux rabattus sur les oreilles - la mode de l’époque - elle arbore un sourire fier. Son mari Paul est debout derrière elle, une main protectrice sur le dossier de la chaise. Lui aussi a l’air fier. Pensez-vous ! Ils sont tous deux les nouveaux propriétaires de ce grand atelier ! Je sais que plus tard, ils auront un magasin de photographie au centre ville. Jeanne le tiendra avec succès jusqu’à plus de 75 ans. Ah ! C’était un personnage, ma grand-mère, je me souviens qu’elle savait affirmer son autorité et gérait son affaire avec brio. Le soir, elle buvait sec son petit vin blanc et jouait à la canasta sans jamais vouloir perdre. Mais c’était aussi une grand-mère gâteau que j’ai beaucoup aimée, admirée. Quant à Paul, je l’ai peu connu, mais il ressemble tellement à sa fille, ma mère, que je n’ai aucun doute, c’est bien Paul, mon grand père, qui est mort bêtement d’un accident de la route alors qu’il rentrait chez lui à vélo. On disait sans vraiment insister qu’il avait bu un petit coup de trop.
Assise à coté de Jeanne, se tient sa jeune sœur Emma. Plus effacée, moins jolie. Je connais son destin douloureux. Toute jeune, elle s’est laissé séduire par un filou. Fille mère, comme on disait en ce temps là. On l’a vite mariée à un veuf plutôt bougon. Je sais qu’elle a ensuite perdu l’enfant. … Elle a dû servir toute sa vie la soupe aux légumes à son veuf de mari qui ne supportait pas d’autre nourriture. Son plaisir à elle, c’était ses chiens. Des loulous blancs qui aboyaient en permanence, mais c’était une musique qu’elle aimait, car elle couvrait les jérémiades de son époux. Son dévouement m’a toujours beaucoup touchée.
Se tient un peu à l’écart sur la droite, leur père Emile, mon arrière grand père que je n’ai pas connu, mais on en parlait si souvent dans la famille ! Légèrement bedonnant, il porte un beau costume orné d’une cocarde et tient dans sa main une pipe ouvragée. Il contemple sa famille avec bonheur. Il était le fils naturel d’un duc et d’une domestique. On en était fier, on le disait intelligent, doué, artiste. Imaginez-vous, le fils d’un duc ! Un duc qui s’est occupé de lui, qui lui a payé des études…. Emile est devenu un bijoutier réputé. Je reconnais cet arrière grand père talentueux qui faisait l’admiration de tous.
Mais celui qui m’intrigue, c’est le militaire en uniforme, casqué, debout entre les deux hommes, bien au centre de la photo. Qui est-il ?.
J’ai interrogé mon cousin : Il pense que c’est le jeune frère de Jeanne et d’Emma mort à la guerre de 1914. Il s’appelait Louis…il n’en sait pas plus.
Louis, c’est mon prénom au masculin.
Un courant glacé coule dans mon dos. Je découvre que je porte le prénom d’un mort, un mort à la guerre de 14 dont personne ne m’a jamais parlé. Que cachait-on ? Pourquoi m’a-t- on donné son prénom ?
Il n’y a plus personne pour me répondre.
Qu’ai-je en commun avec ce grand oncle Louis, à part mon prénom ?
Je regarde à la loupe son visage. Est-ce que je lui ressemble ? Entre ce beau garçon de vingt ans moustachu, casqué et moi, une grand-mère de près de 75 ans, le lien parental est bien difficile à établir. J’ai envie de me glisser un instant dans la vie de ce jeune homme, souriant, fier dans son bel uniforme. Oui, il sourit. Peut-être attend-t-il avec impatience d’en découdre avec la guerre ? Il a la vie devant lui. J’imagine sa vie de petit frère gâté, j’imagine qu’il a déjà une fiancée qui sera sa marraine de guerre, j’imagine que son père - rappelez-vous, le fils d’un duc - va lui assurer un brillant avenir, tout au moins un avenir tout tracé dans le grand atelier de sa sœur.
Il s’appelait Louis Perrier. Il est mort à la guerre. Un destin brisé.
La douleur a dû être effroyable pour la famille, une douleur comme une blessure qui ne peut pas guérir. Une douleur qu’il a fallu enfouir pour vivre. Je conçois que personne n’a plus voulu en parler. Louis Perrier, c’était fini. Il n’y a plus jamais eu de photo de famille heureuse comme celle-ci.
Je veux en savoir plus. Sur Internet, je découvre sa fiche signalétique.
PERRIER, Louis, né le 7 août 1892,
Grade : Brigadier,
Corps : 13ème régiment de chasseurs,
Matricule 2002, classe 1912
Mort pour la France le 12 octobre 1914 à Neuf Berquin (Nord),
C'est-à-dire à peine plus de 2 mois après la mobilisation en France.
Je continue :
Genre de mort :….. tué à l’ennemi ….
Je frémis.
La date d’enregistrement sur l’état civil est le 20 novembre 1915.
La famille n’a-t-elle été avertie de son décès qu’à cette date, plus d’un an après ?
Je suis pétrifiée.
Je n’en saurai pas plus.
Louis, à qui, à quoi as-tu pensé ? Dans l’horreur des tranchées, dans la boue, dans le froid, la peur au ventre, asphyxié par l’odeur de poudre à canon, ou de vomi, ou de mort absurde, assourdi par le bruit des obus qui explosent tout près, poussé à l’assaut par les hurlements des chefs tout aussi apeurés ?
J’espère que la dernière image qui sera passée devant tes yeux de sacrifié sera celle de la photo des temps heureux, celle que je regarde maintenant, plus de 100 ans après.
Je connaissais Emile, Jeanne, Paul et Emma, les anciens de ma famille que j’ai aimés.
Louis, je te découvre aujourd’hui, mes pensées vont vers toi. Je vais te garder précieusement quelque part dans ma mémoire pour te faire partager mon bonheur de vivre, d’être en vie.
Tu sais, cette photo de famille n’est pas inutile, elle te fait revivre.
Je ne t’oublierai pas.
Danièle Jenin
Le déclic
J’aurais pu rester dans l’ignorance toute ma vie, ne pas trouver ces documents, ne jamais regarder cette photo, témoin silencieux de mon histoire. Un cliché en noir et blanc, démodé, petit format aux bords dentelés, coincé au fond d’un tiroir du secrétaire. Lerescapé inespéré d’un massacre perpétré une trentaine d’années plus tôt. J'avais bataillé pour l’extirper de sa cachette, sans me douterque cette image jaunie ferait si brutalement ressurgir mon passé.
Je viens d’avoir quarante ans. Depuis hier, j’entasse avec méthode, dans des cartons de déménagement, les affaires de ma mère, décédée trois mois plus tôt.
La découverte que je viens de faire me bouleverse. Un livret de famille et cette photo déroutante que j’examine attentivement.Devant un immense sapin tout enguirlandé, nous trois ! Nous avions donc formé une famille !
A droite, ma mère, le sourcil légèrement froncé, tient son sac à deux mains sur le devant de sa jupe. Au milieu, une petite fille timide regarde ses chaussures vernies: moi. A gauche, me tenant par la main, un homme élégant en complet veston, les cheveux bruns gominés, sourit à l’objectif. Un parfait inconnu … Mon père ?
Au verso, d’une écriture appliquée : Noël 1964 à l’Imprimerie Nationale.
Noël 1964 … Mon dernier Noël avec lui ! Peu après, ma mère avait demandé le divorce et nous avions emménagé dans cet appartement. Ma chambre, peinte en rose, donnait sur la cour. Ma mère dormait au salon sur un canapé convertible. Nous allions donc vivre seules.
Avais-je eu l'air dépitée ? Avais-je réclamé mon père ? Sans doute …
Tu vas voir comme nous allons être bien toutes les deux ! avait lancéalors ma mère, d’une voix enjouée. Pierre, nous ne le reverrons plus … Ne sois pas triste ! Ce n’est pas si important puisque de toute façon, tu n’es pas sa fille !
La violence du propos n’avaitrien provoqué de visible qui puisse ébranler les certitudes de ma mère, mais, intérieurement, l’inconcevable annonce, m’avait profondément choquée.
Aujourd'hui, dans cette même chambre, le séisme émotionnel qui m'avait saisie à l'époque me submerge à nouveau etun flot de souvenirs enfouis remonte à ma mémoire.
Dans les jours qui suivirent, ma mère s’acharna à rayer de la carte un homme avec lequel elle avait vécu plus de douze ans, déchirant ses portraits dans les albums, découpant sa tête sur les photos de groupe. Si nous apparaissions lui et moi sur une photo, armée de ses ciseaux à ongles, elle le supprimait. Je restais seule, prenant la pose, orpheline !
Je finis par me résigner à cette existence sans père. Plus jamais je ne l’évoquai.
La fête des pères disparut du calendrier familial. Les dessins et bibelots confectionnés à l’école pour l’occasion finissaient tous à la poubelle.
En vacances dans ma famille maternelle - la seule que je côtoyais - je n’entendis plus parler de lui, comme si j’avais toujours été seule avec ma mère. Pourtant, Pierre avait été un gendre, un beau-frère qui avait partagé des repas de famille, des anniversaires et des réveillons !
Je n’eus pas de père de substitution. Les amants qui défilaient à la maison ne s’attardaient pas. Il m'arrivait d'en croiserà la table du petit-déjeuner, mais ils étaient tellement gênés face à cette gamine en pyjama, qu’ils raflaient vite fait leur cravate et leur montre avant de déserter la cuisine sans mêmedire au revoir.
Quand mes camarades de classe me posaient des questions sur mon père, j’affirmais, devant leurs mines circonspectesn'en avoir jamais eu. Au collège, je prétendis qu’il était mort avant ma naissance, pour éviter le sujet. Au lycée, je revendiquais la liberté de ma mère, une femme en avance sur son temps qui avait eu un enfant sans mari.
Une seule fois, à ma majorité, j'osaidemander des comptes. La réponse claqua sèchement:
Ce qui s’est passé dans ma vie de femme avant toi, ne te regarde pas !
Le sujet fut définitivement clos. Je me résolus à faire semblant d’oublier.
Aujourd’hui, je venais de retrouver l’absent, figé dans ses trente ans sur ce papier glacé. Dans ma tête, les questions se bousculaient. Ma mère avait-elle menti ? S’il était mort, l’aurais-je su ? Pourquoi avait-elle agit ainsi ? Aucune réponse …
Il me fallait agir, entamer des recherches, le retrouver, lui demander d’éclaircir la zone d’ombre de mes origines.
Un extrait de naissance m'apprit qu’il était toujours vivant. Il avait été marié deux fois. Avait-il eu des enfants ?
Je décidai de suivre sa trace en contactantl’Imprimerie Nationale, où il avait été typographe durant toute sa carrière, pour tenter d’obtenir son adresse. Je téléphonai à une responsable du personnel, la photo posée devant moi, sur mon bureau, pour me donner du courage. Fébrile, j’expliquai, je résumai : je voulais retrouver mon père dont j’avais été séparée à l’âge de quatre ans.
Sensible à ma requête, l'employée, après quelques hésitations, accepta de me communiquer son adresse : Paris 17ème, à deux rues du passage du Souvenir.
Combien de fois, ai-je rédigé cette lettre … Imaginant la surprise de son destinataire. Une lettre qui ne dérange pas, une lettre discrète où je le vouvoyais, une lettre pour connaître juste sa version des faits.
L’attente de l’hypothétique réponse fut une épreuve. Je guettais la boîte, anxieuse et impatiente. Un matin, je crus reconnaître mon écriture sur une enveloppe, petite, inclinée à droite et la même manière de tracer les « M ». Un signe de paternité ?
Des mots simples pour me dire l’immense plaisir de recevoir de mes nouvelles, mais aussi la souffrance d’avoir été rejeté, banni. Un homme malmené par la vie qui n’avait pas eu la force de s’opposer à l’autorité de ma mère, responsable de notre séparation.
Non, il n’était pas mon père biologique ! Il ne savait rien à ce sujet.
Il avait découvert sa stérilité après le divorce, mais pour lui, il n’avait pas été question de renoncer à sa paternité : A ma naissance, il m’avait reconnue ; j’avais toujours été SA fille et je portais son nom. Sa fille enfin retrouvée !
Sylvie Bancet
Des nouvelles primées
Le concours de Fréjus "de la nouvelle en mille mots" est organisé chaque année par la médiathèque Villa Marie de Fréjus. Le thème de cette année était : "photos de famille".
Les 5 participants suivants de l'atelier d'écriture de la médiathèque de Vence ont étés sélectionnés pour le palmarès final.
(Ils ont reçu chacun un "diplôme de finaliste" avec un petit livre en cadeau) .
Sylvie Bancet : "Le déclic"
Danièle Jenin : " Ne pas t'oublier"
Hervé Nouvel : "Coco-chéri"
Bernard Jeanclaude : "Bain révélateur"
Tania : "Edmond"
Bonne lecture !
Edmond
Je m’appelle Edmond, un prénom qui, dans ma famille, passe traditionnellement de père en fils.
A l’âge de trente ans, j’ai hérité du château familial et de ses terres, situés au bord du Loch, parmi les brumes de la côte ouest. C’est une bâtisse solide, en pierre, entourée du domaine de mes ancêtres, domaine que je gère.
Dans le séjour, suspendue au-dessus de la cheminée, une grande photo de ma famille datant du siècle dernier. Dans son cadre lourdement ouvragé, ce portrait de famille domine. Tous sont habillés en kilt et les dames en robe de soie. Ils ont le regard fixe tourné vers l’objectif de l’appareil photo. Je reconnais mes grands-parents, assis au milieu de leurs enfants, les frères et sœurs de mon aïeule Isabelle. Son destin tragique a toujours attisé ma curiosité. Elle paraissait être une charmante jeune fille, raffinée, promise à un bel avenir, mais son regard reste triste.
A son sujet, mon grand-père me racontait cette légende : parmi nos ancêtres, il y avait Isabelle, née ici au château. Deux frères de la contrée, Edmond et Robert en étaient fous amoureux. Le père voulait donner la main de sa fille à l’aîné, Robert, sa fortune était plus considérable que celle du cadet, Edmond. Mais Isabelle avait donné son cœur à Edmond. Une jalousie féroce opposait les deux frères, jusqu’à ce que Robert assassine son frère à coups de poignard. Isabelle en mourut de chagrin ! On dit que depuis, les fantômes des trois malheureux hantent le château.
Une légende romanesque, parfaitement adaptée au château, affirmait mon grand-père ! Et avec un sourire malicieux, il ajoutait que personne n’avait eu l’occasion de remarquer la moindre présence surnaturelle. Moi, non plus !
Un soir d’été, je prenais le frais devant la fenêtre ouverte quand, j’entendis comme un bruissement de soie derrière moi. Je me retournais, étonné, car j’étais seul. Il n’y avait rien, mais je crus apercevoir par la fenêtre, une silhouette blanche qui s’évanouissait dans les arbres, au bord du Loch. Une chouette Effraie, peut-être ?
J’oubliais cet incident. Mais, un soir, confortablement installé au salon en face de la photo de famille, j’eus l’impression qu’une présence m’observait. Je distinguais une forme blanche, translucide, dans l’ombre, au fond de la pièce. Comme une jeune fille ! Aussitôt, je fus attiré par la photo, par mon ancêtre Isabelle. Le temps de tourner la tête, la forme blanche avait disparu. Je pris l’habitude de voir cette apparition éphémère, insaisissable ! Il y avait une certaine ressemblance entre Isabelle et cette créature de l’ombre. Elle me semblait bienveillante et ne m’inspirait aucune peur.
Nous abordions l’automne avec ses grands vents de l’Atlantique qui ronflaient dans la cheminée. Un soir, ma compagne d’ailleurs, s’adressa à moi dans un souffle:
- Je suis Isabelle la fiancée d’Edmond. Si tu te mariais, je pourrais reposer en paix.
Ces paroles me troublèrent. Je n’avais pas l’habitude de recevoir des conseils d’un être de l’au-delà. Surpris et fasciné, je la fixais et je vis qu’elle levait sa main gauche comme pour m’implorer. Et puis, plus rien, elle se fondit dans les ombres !
Quelques semaines plus tard, je dégustais tranquillement un whisky au coin du feu quand il me sembla entendre des voix dans le couloir. Inattendu, puisque j’étais seul ! Mais, je vis l’apparition d’Isabelle, très agitée, qui flottait dans les ombres. Puis, je perçus des bruits de pas, des cris : une dispute entre voix d’hommes.
- Non, non ! Tu ne l’auras pas ! Isabelle m’aime, moi, Edmond !
Bruits de bagarre.
- Range ton poignard !
Hurlements …
Saisi d’effroi, je bondis de mon fauteuil, j’ouvre la porte du couloir. Personne ! J’allume. Rien, juste le silence ! Dans un flash, je repense à la légende de Robert et Edmond. Edmond, mon prénom !
Pris de panique, je pars en courant me réfugier dans mon lit. Je m’endors difficilement. Mon sommeil est baigné de sueurs froides. Robert et Edmond se battent autour de mon lit, et Robert, l’assassin, me menace.
Au matin, encore perturbé, je descends au village et je rencontre Wilfried, un copain d’école qui a ouvert une agence immobilière. Je lui raconte les évènements de la soirée.
- Vends le ton château ! me dit-il.
- Ah non ! C’est le château de mes ancêtres !
Wilfried, qui n’a pas reçu de château familial en héritage, esquisse un petit sourire
- Loue-le, alors !
- Pourquoi pas ?
Les mois qui suivirent, je reçus quelques visiteurs plus intéressés par les fantômes que par la location. Un matin, Wilfried me téléphone :
- Serais-tu prêt à recevoir une jeune femme, diplômée en management et qui pourrait t’aider dans la gestion de ton domaine ?
Je donne mon accord et une heure plus tard, une jeune femme se présente.
- Bonjour, Isabelle Morandini.
Je n’entends plus rien. Isabelle … Isabelle et Edmond ? Un frisson court le long de mon échine mais je me ressaisis et bavarde avec elle. Les semaines suivantes, elle vient régulièrement visiter le domaine et j’apprécie beaucoup sa compagnie. Je suis de plus en plus séduit par le charme de cette jeune femme et un jour, subitement, je lui lance cette proposition :
- Voudriez-vous m’épouser ?
En riant, elle répond :
- J’accepte avec grand plaisir !
Notre mariage printanier eut lieu dans la petite église du village. Personne ne l’a remarqué, mais mon ancêtre Isabelle, la créature mystérieuse, a suivi la cérémonie. Et elle s’est effacée discrètement, après l’échange des anneaux.
Depuis notre mariage, la vie a changé au château, les rires de ma femme Isabelle résonnent dans les couloirs. Elle a décidé de réaménager à son goût le château. Elle déplace les meubles, décroche les tableaux.
Un soir, en rentrant, je constate que la photo de famille ne trône plus au-dessus de la cheminée.
- Qu’as tu fais de la photo ?
- Je pense la mettre dans la bibliothèque. Dit-elle, en me désignant la photo encore posée sur la table basse.
Dans un sourire complice, elle me tend une grande photo encadrée, où elle apparaît en robe de mariée, portant l’écharpe de notre clan, The Royal Stuart, qu’elle arbore fièrement.
- J’aimerais mettre celle-ci à la place, si tu n‘y vois pas d’inconvénient ?
Je sens à mes côtés, la tendre et chaleureuse présence de ma femme.
Je tourne la tête vers la photo de famille, en espérant voir mon ancêtre Isabelle, le regard apaisé.
Je scrute la photo
Je la cherche.
Sa place est vide !
Mon ancêtre Isabelle a disparu de la photo !
Tania